16 janvier 2006

CORNELIUS à la TOUR D'ARGENT
CHAPITRE V


Confortablement installés dans deux fauteuils de cuir, Cuchùlainn et Cornélius avaient attentivement écouté Morrigann. Une fois son récit achevé, Cornélius se pencha en avant, les deux mains jointes :
- Ainsi Morgane connaît le nom de celui qui traque Esméralda…
Cuchùlainn, dont la colère s’était dissipée dès les premiers mots du récit de sa compagne, se renversa dans son fauteuil :
- En somme, c’est la faute de Morgane si Esméralda est menacée.
- Ca aurait pu être moi, lui rappela Morrigann en se versant un verre de vin blanc. N’oublies pas que je suis dépositaire de ce fameux secret, moi aussi.
- Mais personne à part Morgane ne peut réveiller ce souvenir enfoui en vous, si j’ai bien compris.
- Et c’est là que réside le problème, reprit Cornélius : celui qui recherche Esméralda doit ignorer ce détail. Si par malheur elle tombe entre ses mains, non seulement elle ne lui sera d’aucune utilité, mais en plus elle se fera tuer pour rien !
Cuchùlainn regarda Morrigann :
- Ce secret dont Morgane parlait, tu nous as dit qu’il nous concernait tous…
- Apparemment il s’agirait de la Rencontre. Ce secret doit empêcher un événement de se produire, et de fait éviter que la Rencontre n’ait lieu.
- C’est difficile d’empêcher quelque chose dont tu ignores tout, de se produire, ironisa Cornélius en se levant. En tout cas, une chose est claire, dès demain je pars à sa recherche.
- Morgane est déjà sur ses traces, lui rappela Cuchùlainn. A deux vous aurez vite fait de la retrouver. Mais ce que je ne comprend pas, c’est pourquoi elle ne s’est pas manifestée depuis son départ. Il a dû lui arriver quelque chose…
- C’est moi qui irai !
Les deux compagnons dévisagèrent Morrigann.
Cornélius lui adressa un sourire plus proche du rictus que d’autre chose :
- T’es gentille, mais je vais m’en occuper. Je vous ai déjà assez embêté comme ça.
- Tu n’as pas écouté ce que viens de dire : c’est moi et moi seule qui partirai à la recherche d’Esméralda.
- J’ai très bien entendu mais c’est à moi de la retrouver ! Rétorqua Cornélius en haussant le ton.
- Calmez-vous tous les deux ! Ordonna Cuchùlainn en se levant à son tour. C’est sûrement pas ce soir que nous y verrons suffisamment clair dans tout ça. On avisera demain, après une bonne nuit de sommeil.
- Il sera peut-être trop tard, demain !
Cornélius fulminait. Cuchùlainn connaissait trop bien les colères de son ami pour savoir qu’il ne servait à rien de tenter de le raisonner. Morrigann demeura un peu en retrait et observa les deux hommes.
- Je pense que Cuchùlainn a raison, finit-elle par dire en versant du vin dans trois verres dont un pour elle. Toutes mes excuses, Cornélius…
Cornélius accepta le verre qu’elle lui tendait et attendit que Cuchùlainn prenne le sien pour trinquer avec ses deux amis.
- Demain à l’aube, je partirai pour la Nouvelle-Orléans. Si j’y parviens avant Morgane, je l’attendrai et là elle aura intérêt à s’expliquer si elle tient à sa tête.
Sur ces mots, il but une gorgée de vin, imité par Cuchùlainn.
A peine avait-il avalé qu’il ressentit comme un vertige. Sa vue se troubla et il eut la sensation de perdre l’équilibre.
Le verre tomba et explosa sur le tapis.
C’est alors qu’il comprit. Il chercha Morrigann du regard, tout en se raccrochant à l’accoudoir du fauteuil près duquel il se tenait.
- Espèce de…
Mais il n’acheva pas sa phrase. Le somnifère puissant que Morrigann avait dilué dans son vin s’était montré le plus fort. Cornélius s’effondra à son tour sur le tapis.
Cuchùlainn commençait lui aussi à ressentir les effets de la drogue. Il adressa à Morrigann un regard de reproche, et tenta d’articuler quelques mots :
Pourquoi…Morrigann ? Mais la jeune femme le regarda s’enfoncer lui aussi.
- Pardonne-moi, amour, mais c’est à moi de partir…

Avec beaucoup de difficultés, Morrigann était parvenue à installer tant bien que mal ses deux compagnons sur les fauteuils de la bibliothèque. Après avoir déposé un baiser sur les lèvres de Cuchùlainn, elle avait quitté la bibliothèque et s’était rendue en salle d’arme pour y récupérer son épée.
Elle ne mit que quelques minutes à faire ses bagages et à téléphoner à l’aéroport pour réserver son vol pour La Nouvelle-Orléans, via Londres et New-York…


A quelques centaines de kilomètres de là, Vargas étudiait le rapport de son chef de service, confortablement installé derrière son bureau :
- A t’on des nouvelles d’Angleterre ?
Sanchez, assis en face du bureau de l’ambassadeur, s’alluma une cigarette :
- Elle n’est pas là-bas. Les hommes chargés de surveiller les aéroports ne l’ont pas repérée. Je pense qu’elle se trouve à la Nouvelle-Orléans.
- Cornélius s’y est déjà rendu et il est revenu seul ! S’emporta Vargas en frappant du poing sur le bureau. Je commence à en avoir assez de tous ces rapports creux, de cette absence de résultats ! si tu ne me proposes pas mieux, je vais me charger de la retrouver moi-même, Sanchez !
Le responsable de la sécurité expira une bouffée de sa cigarette.
- Je comprend votre impatience, mais nous faisons de notre mieux…
Il fut interrompu par l’interphone de l’ambassadeur. Ce dernier prit l’appel :
- Oui ?
- Un appel de Londres pour vous, monsieur.
Vargas appuya sur la touche conférence de son téléphone et fit signe à Sanchez qui se pencha :
- Vargas.
Une voix d’homme couverte par un brouhaha et des annonces passées par haut-parleur se fit entendre :
- Une des femmes que vous cherchez a pris une réservation sur un vol pour les Etats-Unis, monsieur. Elle est arrivée ce matin à l’aéroport.
Le visage de Vargas se crispa :
- Qui est-ce ?
- Une petite brune aux cheveux longs. Elle a enregistré ses bagages et a signalé une antiquité à la douane. Les documents mentionnent une épée.
Sanchez écrasa sa cigarette et se leva :
- Ca y est !
Mais Vargas lui fit signe de se rasseoir :
- Suivez-là jusqu’à sa destination finale. Je veux savoir qui elle va retrouver. Tenez-moi informé du moindre détail à son sujet !
Sur ces mots, Vargas raccrocha le combiné et se renversa dans son fauteuil. Sanchez souriait, visiblement détendu par la nouvelle :
- Vous voyez ? Il suffisait d’être patient ! Elle ne pouvait pas nous échapper.
- Imbécile !
Vargas avait murmuré ces mots, les deux mains croisés devant la bouche. Il se leva et actionna le dispositif qui fit coulisser le pan truqué de sa bibliothèque :
- Ce n’est pas Esméralda, c’est beaucoup mieux !
Sanchez se leva à son tour :
- Comment ça ?
- Une autre pièce vient s’ajouter sur l’échiquier, et cette fois-ci il est temps que j’entre personnellement en scène… Annule tous mes rendez-vous : je suis malade et je me retire quelque temps à la campagne pour me ressourcer. Après quoi, appelle le Bourget, que mon jet se tienne prêt à décoller dans l’heure !
- Où allons-nous ?
- A la source, Sanchez !


Morgane s’installa dans l’avion qui allait la conduire à New-York. Confortablement installée en première classe, elle sortit de son sac un lecteur MP3 et ferma les yeux, laissant la musique envahir ses oreilles. Elle ne remarqua pas les deux hommes en complet noir qui entrèrent à cet instant, se séparant ensuite ; l’un prenant place près de la porte, et l’autre deux rangs derrière la jeune femme…
Si elle n’avait pas été aussi absorbée par la musique, elle aurait sans doute reconnu les deux espagnols qui semblaient la suivre et épier ses moindres faits et gestes depuis son arrivée à Easthrow.
Mais à présent l’appareil s’engageait sur la piste, attendant le signal de la tour de contrôle…


La limousine de Vargas, précédée par deux motards de la police française, slalomait entre les voitures sur l’autoroute menant à l’aéroport du Bourget.
Assis à côté du chauffeur, Sanchez, les yeux dissimulés derrière une paire de lunettes de soleil, consultait sa montre :
- Nous serons au Bourget dans moins de dix minutes, monsieur ! Lança t-il à l’adresse de Vargas, assis à l’arrière.
L’ambassadeur fumait un cigare et contemplait la mallette posée en face de lui. Elle renfermait son épée, une magnifique lame de Tolède du XVIIème.
La sonnerie du portable de Sanchez se fit entendre, et le responsable de la sécurité décrocha :
- Sanchez !
Une voix de femme lui répondit :
- Il y a du mouvement : une femme a quitté la maison où Cornélius se trouve depuis trois jours. Elle emportait un sac de voyage avec un objet pouvant ressembler à une épée. On l’a suivi jusqu’à l’aéroport où elle a pris une place sur le prochain vol pour Londres…
- Transmettez ces informations à Chavez et ne lâchez pas Cornélius ! Il peut encore nous mener à elle. J’avise monsieur Vargas de la situation.
Et il raccrocha avant de faire son rapport à l’ambassadeur.
- Ils commencent à s’agiter, tous… et visiblement la Nouvelle-Orléans semble être leur point de chute. Il se pourrait donc bien qu’Esméralda soit effectivement là-bas… alors pourquoi Cornélius ne l’a t-il pas retrouvée ?
Mais alors que Vargas s’interrogeait, la limousine sortit de l’autoroute et s’engagea vers l’aéroport du Bourget où son jet l’attendait…








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