15 novembre 2005

EPILOGUE


Florence et Morrigann avaient aperçu de la plate forme des chapelles, la manifestation du Quickening. Morrigann n’avait pu retenir ses larmes, tant la tension et l’angoisse étaient devenues insurmontables.
Florence était aussi désemparée que son amie. Elle avait déployé des trésors de persuasion pour retenir Morrigann près d’elle, car plusieurs fois la jeune femme avait souhaité rejoindre son fiancé dans la montagne…
A présent elles contemplaient le lever du soleil qui montait lentement sur la plaine, la débarrassant du voile terne de la nuit. Assises sur un banc de pierre entre la chapelle des Larmes et la chapelle des Anges, elles attendaient. Un signe. Une présence. La délivrance…

Esméralda sortit du cloître et poussa la lourde porte qui donnait sur l’esplanade. Elle repéra les deux femmes et descendit les quelques marches du perron.
Morrigann sentit sa présence et se retourna aussitôt.
Elle vit que la voleuse avait le sourire aux lèvres.
Partie quelques instants plus tôt aux nouvelles, elle avait tenté de joindre Lebeau sur son portable ; sans succès. Alors elle décida d’aller à leur rencontre.
Mais une fois hors des murs du couvent, elle s’était sentie incapable de poursuivre son chemin, terrassée par l’angoisse de ce qu’elle risquait de trouver sur le plateau…
Maintenant elle était de retour…Morrigann lui adressa un regard de supplique, et pour toute réponse, la voleuse s’effaça pour les laisser entrer sur l’esplanade à leur tour.

Cuchùlainn le premier fit son apparition sur les marches de grès rose, suivi de son ami Cornélius.
Florence vit Morrigann se précipiter vers Cuchùlainn et le serrer dans ses bras, laissant une nouvelle fois son émotion prendre le pas sur la raison. Rejointe par Esméralda, elle chercha Lebeau du regard ; il arriva quelques instants plus tard.
Soulagée de voir que le chef de la Guilde des Voleurs était vivant lui aussi, elle s’adossa contre la rambarde de sécurité ; son cœur bondissait dans sa poitrine.
Lebeau s’approcha des deux voleuses en souriant.
Florence lui demanda sur un ton qu’elle voulait dégagé:
- C y est, c’est fini ? On peut rentrer chez nous ?
Lebeau l’embrassa sur le front:
- Oui, chère; c'est fini...du moins pour le moment.
Cuchùlainn et Morrigann, enlacés, les rejoignirent. Le celte posa sa main sur l’épaule de Florence:
- Merci de tout ce que vous avez fait, toutes les deux...sans vous, jamais cette victoire n’aurait été possible…
Comme il avait changé ! Son visage était marqué par son combat ; ses traits étaient plus prononcés. On aurait dit qu’il avait vieilli de dix ans. Pourtant son regard était resté le même. Mais c’était comme si une formidable énergie émanait de chacun de ses gestes.
Lebeau se tourna vers lui et leurs regards se croisèrent:
- C’est à toi seul que revient tout le mérite; tu as su replonger dans ton passé, chercher dans ses méandres les secrets du Fer et du Feu. Tu es redevenu l’espace d’une forge le Fils de Crom...de ton abnégation est née cette épée qui t’a menée sur la voie du triomphe. Désormais tu es Cuchùlainn, de Fer et de Sang. Pour toujours.
Cornélius hocha la tête en signe d’assentiment.
- tu as triomphé cette fois encore. Mais ce combat laissera des traces, pour toi comme pour nous tous…
Un lourd silence accueillit cette déclaration. Cornélius avait raison : désormais les règles étaient changées, la Tradition avait été bafouée…
- Reinhardt aura été aveuglé par le chagrin et la haine, soupira Lebeau en brisant le silence...
- Qui sait comment nous aurions réagi à sa place ? S’interrogea Cornélius.
Morrigann serra Cuchùlainn par la taille:
- Personne ne le saura jamais. En tout cas, ne perdons jamais de vue le caractère sacré de certaines choses. Que la folie ne l’emporte jamais sur l’amour...Reinhardt est mort pour avoir enfreint les règles sacrées établies depuis la nuit des temps. Si comme lui nous ne craignons plus de braver les interdits, alors nous condamnerons ce monde à vivre dans le chaos.
Cornélius serra Esméralda par les épaules:
- N’oublions jamais ce qui s’est passé ici cette nuit. Pour que jamais cela ne se reproduise…
Esméralda consulta sa montre:
- Eh! Il est sept heures passées ! Et on a encore rien mangé ! Je commence à avoir les crocs, moi !
Lebeau sentit son ventre gargouiller.
- Bonne idée, ça ! Après, je propose une sieste pour tout le monde !

Ils entrèrent dans le déambulatoire et gagnèrent le réfectoire où un petit déjeuner les attendait.
- Cool, il y a même le journal, remarqua Morrigann en prenant place.
Elle le déplia, lut le gros titre et éclata de rire. Puis elle fit passer le journal à Cuchùlainn qui sourit:
- Eh bien mon vieux, s’adressant à son vis-à-vis, tes gars n’ont pas perdu de temps…
Lebeau s’empara du journal et découvrit la une:
Vol au musée du Louvre - un tableau de Michel-Ange disparaît...
- Mais que fait la police ?
Des rires fusèrent autour de la table.
- Buvons à la réussite de mon ami le voleur, proposa Cuchùlainn en levant son bol de café.
- A nous tous, fit Florence. Et à notre avenir !
Lebeau leva son verre :
- A Samuel Goldberg…
Un froid tomba sur la petite assemblée.
- A tout ceux qui ont perdu la vie pour une cause qui n’était pas la leur…
Cornélius leva à son tour son verre, sans mot dire ; imitée par toute la tablée.
Le soleil était maintenant bien haut dans le ciel.
Cette journée s’annonçait fort belle.


Assis dans la petite chapelle où le tombeau de Sainte Odile brillait à la lueur des bougies, Cuchùlainn méditait.
Il avait laissé Morrigann dormir d’un sommeil profond dans leur chambre, et s’était éclipsé sans bruit jusqu’en cet endroit propice au recueillement et à la méditation.
Ils avaient fait l’amour pendant presque tout l’après-midi, et il avait ressenti le besoin de se rendre auprès du tombeau d’Odile alors qu’il regardait sa belle fiancée s’endormir à ses côtés.
Il repensa à son duel...il s’était battu sur un sol sacré, et dans son coeur, il ne valait pas mieux que Reinhardt.
Tout de mélangeait en lui ; le bien, le mal, la vengeance, la justice…Il ne parvenait pas à démêler ces sentiments contradictoires, se demandant comment trouver à nouveau la paisx après une nuit comme celle-ci…
Cuchùlainn était donc là en proie à ses démons intérieurs, lorsqu’il entendit une voix caverneuse raisonner autour de lui.
Il sursauta en l’entendant l’appeler par son nom :
- Pourquoi es-tu si triste, Cuchùlainn ?
Il se leva et chercha du regard la personne qui s’était adressée à lui. Mais la chapelle était déserte.
- Pourquoi ce chagrin, mon fils...
Cette fois il reconnu la voix. Mais il ne pouvait en croire ses oreilles; cette voix semblait ressurgir d’outre-tombe.
Cette voix venait de lui, de son esprit.
C’était celle de Conchobar !
- Tu n’as pas à regretter ton acte, mon fils. Je t’ai enseigné que dans bien des cas il fallait enfreindre les lois sacrées, oser s’aventurer par-delà la muraille, et aller jusqu’au bout de soi-même.
- J’ai souillé la terre de mes pères avec le sang d’un homme dont je réclamais vengeance...
Ces mots avaient été prononcés à voix haute, comme si il ressentait le besoin de confesser ses actes, désireux d’obtenir une rédemption qui peut-être ne viendrait jamais.
- Tu as fais ton choix. Désormais, cette terre est un tombeau; celui de l’ancienne loi. Tu as fait naître un Ordre nouveau, Cuchùlainn...la mort qui y a planté ses griffes s’en est allée sitôt ta victoire consommée. Demeure en paix, mon fils...tout est accompli.
- Conchobar…
Mais la voix s’était tue.
Il ne restait plus que lui et le sarcophage de Sainte-Odile.
Il comprit alors que son coeur était vide comme ce tombeau, et que seul l’esprit de son défunt Maître avait pu lui apporter la paix intérieure. Il se sentit tout ragaillardi par les paroles du Sage Druide, et il sortit de la chapelle, le sourire aux lèvres.
Il n’était plus Cuchùlainn le parjure, mais bien Cuchùlainn le Gardien de l'Ordre nouveau.
Désormais plus rien ne serait comme avant pour les Immortels…


L’enquête de gendarmerie autour de l’agression des pèlerins par un individu inconnu piétinait. Tous les occupants du couvent avaient été interrogés, y compris les deux jeunes femmes qui s’étaient enfuies, terrorisées par l’homme à l’épée. Aucun témoignage ne permit d’identifier l’individu qui demeurait introuvable…

Ce même jour eurent lieu les obsèques du Lieutenant Samuel Goldberg, mort en service, assassiné par un inconnu sans signalement ; en présence du Ministre de l’Intérieur, des hauts fonctionnaires de l’Etat, de sa veuve et de son fils…

Aucun lien ne fut fait entre les deux affaires.
De même que les poursuites furent abandonnées contre Frédéric Maisongrande. Mais le dossier restait ouvert et l’enquête sur ces combattants à l’épée ne faisait que commencer…



Le vent s’était levé et les cimes des arbres dansaient au rythme des rafales.
Cuchùlainn, Cornélius, Lebeau, Morrigann et Esméralda s’étaient rassemblés sur le site de l’ancien cimetière mérovingien, à quelques kilomètres du couvent.
Trois jours s’étaient écoulés depuis le combat victorieux de Cuchùlainn… Florence était repartie sur Colmar, d’où elle déménagea pour retourner auprès des siens à la Nouvelle-Orléans, conformément aux ordres laissés par Lebeau…

Les cinq se tenaient en cercle autour du tumulus où jadis reposait le corps de Conchobar, l’ancien mentor et maître de Cuchùlainn.
Le tombeau avait été nettoyé, vidé des eaux de pluie et des feuilles mortes qui le tapissaient, et au fond sur les dalles de pierre, reposait maintenant un sarcophage de fer et de bronze, enveloppée dans un linceul couleur sable.
Cuchùlainn avait tenu à rendre à la Terre sa fabuleuse épée Tir Inna M’Béo, arrachée aux entrailles de la pierre par Reinhardt.
Et quel meilleur lieu pour offrir à la Déesse, mère de toute chose, que celui où reposait ses anciens amis…
A genoux au pied du tombeau, Cuchùlainn murmurait, les yeux clos, une prière à la Terre.
- Tir Inna M’Béo, Déesse de la Terre nourricière, accepte cette offrande sacrée; qu’elle retourne à la terre dont elle est issue, qu’elle la rendre fertile et féconde. Qu’elle devienne un instrument de paix et de justice, pour toujours.

Cornélius et Esméralda se tenaient debout près de lui, juste derrière Morrigann. Un peu en retrait, Lebeau assistait à la scène, un cigare éteint entre les lèvres.
Cuchùlainn ouvrit les yeux et se releva.
Puis il s’inclina une dernière fois avant de se tourner vers ses amis :
- Voilà…tout est accompli. Les choses sont rentrées dans l’ordre, à présent.
- Parle pour toi, mon ami !
Tous s’étaient tournés vers Lebeau qui craquait une allumette afin d’allumer son cigare :
- Rien ne sera plus comme avant, maintenant que la Tradition a été brisée. Plus aucun de nous ne sera à l’abri nulle part !
- Craindrais-tu pour ta vie, Lebeau ? Le railla Cornélius en se défaisant de l’étreinte d’Esméralda.
- Tu ferais bien de t’en préoccuper, toi aussi. Tu n’es pas invincible, loin de là…
- Veux-tu que je te le prouve, sale voleur ? Lui demanda t’il, les mâchoires serrées et le poing crispé, prêt à en découdre.
Esméralda s’interposa :
- Ca suffit, vous deux !
Cornélius lui lança un regard froid :
- Il t’a mêlé à toute cette affaire, sans se soucier de ce que tu risquais ! Manipulateur comme à chaque fois…
- J’ai choisi, Cornélius ! Je fais parti de la Guilde des Voleurs, et à ce titre…
Lebeau l’arrêta :
- La paix, Esméralda ! Si Cornélius me cherche, il me trouvera. Cette histoire ne te concerne pas.
Morrigann regarda Cuchùlainn : le moment était venu pour lui de mettre un terme à cette querelle. Il s’approcha de Cornélius et lui prit le bras :
- Tu connais Lebeau comme moi, ami…nous sommes habitués à s sa manière d’agir.
- Ce n’est pas pour autant que je cautionne, surtout lorsqu’il s’agit d’Esméralda.
Le cajun cracha par terre avant de reprendre son cigare :
- Tu ne m’as jamais vraiment porté dans ton cœur, n’est-ce pas, Cornélius, et si mes souvenirs sont bons, ça ne date pas d’hier !
- Je ne m’en suis jamais caché. Je t’ai aidé parce que Cuchùlainn avait des ennuis, pour rien d’autre.
- Dans ce cas, je sais ce qui me reste à faire. Puisque je ne suis plus le bienvenu…
Tournant les talons, il jeta son cigare contre le tronc d’un chêne.
Esméralda tenta de le rattraper :
- Rémy, attend !
Mais Morrigann la retint par le bras :
- Laisse-le partir.
La voleuse se tourna vers son amie :
- quoi ?
- Tu connais sans doute Rémy mieux que nous : tu sais qu’il reviendra tôt ou tard. Mais ce qu’il a dit est vrai. Nous ne serons plus en paix nulle part, maintenant.
Cuchùlainn regarda le voleur gagner le parking où l’attendait sa BMW.
- Il part comme il est revenu : sans explication ni compte à rendre…
- Il m’en doit, à moi ; rétorqua Cornélius tandis que le moteur de la BMW se fit entendre. Mais je règlerai ça une autre fois, lors de notre prochaine rencontre…
Et les quatre amis quittèrent le cimetière en silence. Alors qu’ils entamèrent le chemin du retour vers le couvent, chacun repensait aux paroles de Lebeau :

« Plus personne n’est à l’abris, désormais… »

Le spectre de la Rencontre, ultime confrontation entre les derniers pour le Prix, planait au-dessus d’eux, telle une épée de Damoclès…

En passant le long de la route, Cuchùlainn regarda avec mélancolie un petit tombeau à moitié dissimulé sous les racines d’un tilleul. Cornélius s’approcha.
- C’est ici que j’ai enterré Braaz, lui dit Cuchùlainn en désignant le sarcophage vide...c’était un Druide courageux et audacieux. Il t’aurait plu, j’en suis sûr. C’est le centurion Honorius qui l’a décapité sous mes yeux.
Cornélius regardait lui aussi les dalles de pierres qui délimitaient le sépulcre.
- J’ai repensé à Reinhardt...tu sais, il n’était pas différent de nous. Seules la vengeance et le chagrin l’ont rendu fou. Autrefois il n’était pas comme ça...Lui et Lebeau ont vécu quelques temps en France avant qu’il ne se suicidât et qu’il devienne Immortel. Je crois qu’il a eu un immense honneur en tombant sous tes coups, et si tu veux mon avis, il en était conscient.
Cuchùlainn regarda son ami; il s’alluma une cigarette, les yeux fixés sur le trou où jadis reposait Braaz.
- Peut-être...nous ne le saurons sans doute jamais...excepté au jour de la Rencontre, lorsque le vainqueur recevra le Prix.
Puis en dévisageant son ami:
- Tu y penses souvent, toi, à la Rencontre ?
Le géant et lui recommencèrent à marcher vers le parking où les deux jeunes femmes les y attendaient.
- Non, j’essaye de ne pas trop y penser...mais une aventure comme celle-ci donne à réfléchir.
- Cornélius, au dernier jour...prendras-tu ma tête ?
Cette question, le géant aurait souhaité ne jamais avoir à y répondre. Il la redoutait depuis le jour où il avait rencontré Cuchùlainn MacDatho et qu’une amitié était née entre eux.
Il sourit cependant en regardant son compagnon:
- Allons! Ne sois pas idiot! Ce serait plutôt à moi de te poser la question...
- Sincèrement...
- Sincèrement ?
Cornélius redevint grave.
- Sincèrement, je souhaite que ce jour n’arrive jamais.Mais si un jour nos chemins se croisent à nouveaux, tu peux être sûr que l’amitié guidera nos pas comme il en a toujours été jusqu’ici.
- Nous reverrons-nous, mon ami ?
- L’avenir seul peut nous le dire...mais c’est à nous de le construire, à nous et à nous seuls.
Arrivant en vue du parking, il reprit:
- Pense à Morrigann; vous avez un bonheur à construire, tous les deux ; alors cesse de te préoccuper de ce qui risque d’arriver et vis ta vie! Tu n’en as qu’une, et elle est bien plus courte que tu ne le penses…
Sur ces paroles, le silence s’installa à nouveau entre eux.
Il rejoignirent leurs compagnes et entreprirent de retourner au couvent…



Ce matin-là, Cuchùlainn s’était levé à l’aube. Il avait quitté la chambre sans réveiller Morrigann et avait quitté le couvent, avec pour tout bagage une besace de cuir qu’il portait en bandoulière.
La brume peinait à se lever, retenue par les branches des sapins trempés de rosée.
Cuchùlainn avait rejoint le chemin qui longeait le mur païen et atteint le carrefour du rocher du Canapé.
Repérant le sentier qui menait à l’endroit où il désirait se rendre, il marchait d’un pas sûr.
Tout autour de lui la forêt s’éveillait doucement. Les chants des oiseaux se faisaient entendre dans les branches des chênes alentours. La lumière du jour voilée par le rideau de brume commençait à percer le voile qui se dissipait par endroits, réduisant le manteau à de petites nappes vaporeuses…

Cuchùlainn marchait ainsi depuis quelques minutes lorsqu’il s’arrêta tout à coup, en proie à un étrange malaise. Tout autour de lui, plus aucun bruit ne lui parvint, et il sentit une présence près de lui.
C’est alors que sur le chemin devant lui apparut une silhouette noire.
D’abord floue, elle se matérialisa plus nettement devant Cuchùlainn. Il s’agissait d’une femme à n’en pas douter ; une femme aux longs cheveux d’ébène et au visage pâle. Un croissant de lune bleu était dessiné entre ses sourcils ; elle portait une robe de laine noire, serrée à la taille par une ceinture de cuir où pendait une petite faucille d’or.
Cuchùlainn reconnut alors l’apparition.
Mais bien que la jeune femme se tenait devant lui, il se rendit compte qu’elle paraissait presque immatérielle : à travers son corps se devinait le chemin et les arbres qui le bordaient.
Cuchùlainn s’inclina devant la femme :
- Dame Morgane…
La forme s’inclina à son tour :
- Cuchùlainn…
La rencontre en cet endroit était surprenante. A mille lieux d’Avalon, la Dame du Lac, grande prêtresse et Immortelle, usait de sa magie pour le contacter ici.
Pourquoi ?
- Un grand danger nous menace, Cuchùlainn, reprit Morgane d’une voix blanche. Le sceau s’est brisé et la Prophétie du Crépuscule va s’accomplir.
Cuchùlainn fronça les sourcils :
- De quoi parles-tu ?
- Il est en route, celui qui provoquera la Rencontre. Il a ouvert le Livre des Secrets et lu la Prophétie. Désormais, nous sommes tous en danger.
La silhouette de la Fée commença à se dissiper. Cuchùlainn fit quelques pas dans sa direction :
- Morgane, attend ! Quelle prophétie ? De quel danger parles-tu ?
- Voici le temps où j’appelle à moi mes enfants…
Le visage de Morgane devint alors transparent. Elle leva les mains en direction de Cuchùlainn qui ressentit soudain une violente douleur lui vriller les entrailles.
Il tomba à genoux, terrassé par la douleur.
- Tu vas oublier notre rencontre, Cuchùlainn MacDatho…mes paroles ne te reviendront que lorsque la Prophétie s’accomplira. En attendant ce jour, oublies…
Une bourrasque de vent souleva la poussière et le sable ; Cuchùlainn se protégea les yeux, et lorsque le vent retomba, il observa la forêt autour de lui :
Le chant des oiseaux lui parvenait très nettement, et il se demanda ce qu’il faisait à genoux par terre, seul sur le chemin.
Il eut beau faire appel à ses souvenirs, il ne parvint pas à trouver la raison de son malaise.
Aussi reprit-il sa marche en accélérant le pas…

Arrivant en vue de la grotte des Druides, il serra la besace de cuir contre son côté.
Après avoir passé la forge, il remonta en direction des ruines du mur païen sui s’étendait au-dessus de lui.
Là il posa son sac et commença à scruter le mur à la recherche de l’endroit qui le satisferait.
Quand enfin il trouva, il sortit de sa besace un objet rond enveloppé d’un drap blanc. Il le découvrit et laissa la lumière se refléter sur un crâne d’une blancheur immaculée.
Après avoir aménagé une cavité sommaire dans le mur, il y déposa le crâne et recula, satisfait de son geste.
Puis il le stabilisa avec de petits cailloux et rassembla ses affaires, prêt à faire demi-tour. Jetant un dernier regard en direction du crâne, il sourit.
- Repose en paix, Walter Reinhardt…
Au loin, le soleil commençait inonder la plaine.
Cuchùlainn hâta le pas en direction du mont Sainte-Odile…





Commencé le 13 février 1993
Achevé le 21 septembre 2005

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